Note de l’auteur: Le ‘moi’ est haïssable, mais pour écrire une autobiographie on doit utiliser ‘je’. Pure et simple.
Désolé.
Dương Nguyễn
MÉMOIRES DE HANOI
Je suis né à Hanoi, Nord Vietnam.
Mon père venait d’une famille de 4 frères et 2 sœurs qui vivait à Hà Nam, au sud de Hanoi. C’était un petit village endormi à côté d’une rivière ondulante parmi des collines calcaires. Il était le premier des habitants du village qui avait réussi l’examen pour être secrétaire auprès du Consulat de France à Hanoi. Sa famille à Hà Nam avait des moyens financiers modestes. En travaillant au Consulat, il a gagné la main de ma mère qui était une de quatre filles de Mr. Đỗ Thận et de Mme Hoàng Thị Phú. Mon grand-père maternel était un éducateur bien connu à l’époque à Hanoi. Il avait publié beaucoup de livres pédagogiques pour les écoliers vietnamiens (les premiers livres de cette catégorie). Il était nommé Officier Mandarin (Quan Bố Chánh) de la Cour Impériale à Huế au centre du Vietnam. II était aussi membre de la société Tự Lực Văn Đoàn (similaire à l’Académie des Lettres). Parmi ses collaborateurs étaient Mr. Hoàng Cao Khải (Vice-roi du Tonkin) et Mr. Trần Trọng Kim (Premier Ministre de l’Empire du Vietnam, Chevalier de la Légion d’Honneur). Sa femme venait d’une famille riche de commerçants.
Leur maison était située dans une des fameuses 36 rues de Hanoi (vieux quartiers de Hanoi). C’était une maison à deux étages et un largeur d’approximativement 400 mètres, possédant 2 étables. Mon père, enthousiaste de chevaux pur-sang, en possédait trois nommés Attila, Passe-partout et Diamant…. Il aimait la chasse aussi: je me souviens d’une photo de lui avec un fusil de chasse, à côté d’une voiture avec un chevreuil attaché à l’avant. Notre maison avait un arbre de pamplemousse dans la première cour. Dans la seconde cour, il y avait un réservoir pour accueillir l’eau de pluie qui était plus délicieuse à boire que l’eau courant potable. Une plante de bétel grimpait au mur près du réservoir. Il y avait également un arbre qui donnait des fruits pomme-crème. La dernière cour au bout de la maison avait un mûrier planté dans un coin clôturé où on élevait des poules pour avoir des œufs frais. Il y avait aussi, dans la dernière cour, un abri anti-aérien qui servait de protection contre les bombes (on l’appelait la ‘tranchée’.
Étant secrétaire du Consulat, mon père parlait le français, il aidait donc son frère, mon oncle, pour procurer de la dynamite pour miner des collines calcaires à Hà Nam et exploiter le calcium pour le commerce. On peut dire que grâce à mon père, mon oncle avait acquis une fortune et ainsi améliorait les conditions financières du côté paternel de notre famille.
Ma famille était une famille nombreuse : 16 frères et sœurs dont 2 sont morts pendant leur
enfance. J’étais le neuvième de la famille. On vivait confortablement chez nos grands-parents
qui étaient aisés. Mon grand-père possédait en plus un ranch au village Bưởi (près du sud de
Hanoi). Il y avait creusé 2 emplacements pour les tombes destinées pour lui-même et sa
femme, ma grand-mère. Il y avait aussi un cercueil en bois de teck, renommé par sa longue
durée de décomposition ; mon grand-père l”avait mis en pleine vue dans le salon de la maison.
Mon père, avec sa connaissance du français, naturellement, élevait ses enfants (moi-même,
mes frères et sœurs) en français et les envoyait aux lycées français (Petit Lycée Rollandes et
Le Lycée Albert Sarraut à Hanoi) au lieu des écoles vietnamiens. Comme mes camarades de
classe, je n’étais pas confortable, ou plutôt je ne savais pas pourquoi nous devions réciter par
cœur “Nos Ancêtres Sont des Gaulois” selon les rigueurs du curriculum colonial français.
J’allais à l’école à pied (c’était une courte distance) avec mon petit frère Q. passant le long du
Lac Hoàn Kiếm. Quelquefois, en retournant à la maison, nous attrapions des têtards et puis
les relâchaient après. Pendant la saison des ‘sấu’ (un fruit de la taille d’une bille de 2 cm de
diamètre qui sont acides quand ils sont verts mais délicieusement sucrés quand ils sont
mûres), nous essayions de les cueillir utilisant une longue branche. Nous jouions à ‘cache-
cache’ avec les enfants de notre âge (10 ans) sur les trottoirs près de chez nous. Une fois,
j’avais ‘attrapé’ une fille, je ne me rappelle plus son nom : c’était la première fois que j’avais
‘touché’ une fille dans ma vie ! Avec l’argent de poche que ma mère me donnait, j’achetais
une glace – une Eskimo – c’était délicieux. Des autres fois, j’avais osé d’acheter un bol de
‘phở’ chez un marchand ambulant et je l’avais mangé tout seul, j’avais très peur car, à
l’époque, j’étais un gosse qui avait à peine 10 ans. Mon père m’avait acheté une petite
bicyclette avec 2 petites roues de support, une à chaque côté, pour qu’elle ne puisse pas
tomber et il m’avait conduit dans les rues autour de la maison.
Note: En ce moment où j’écris ces lignes (dernière semaine du mois de Mai 2021), il y a une
invasion des cigales (type Brood X) qui sort du sol chaque 17 années à Washington, D.C. et
en Virginie. Ceci me rappelle mon temps à Hanoi où je me forçais à me réveiller à l’aube
pour aller ‘récolter’ les cigales en train d’émerger de leurs chrysalids qui grimpaient sur les
troncs d’arbres près de l’hôpital Phủ Doãn (le plus grand hôpital de Hanoi à l’époque), à côté
de chez nous. Nous emportions les cigales et les mettions dans nos moustiquaires pour
observer leur développement et le durcissement de leurs ailes.
En 1954, en été, nous avions passé une semaine de vacances à la plage de Đồ Sơn, une ville
près de Haiphong, à une ou deux heures de voyage à l’est de Hanoi. Nous y avions dévoré des
crevettes frites enrobées de pâte, grâce à une cousine qui avait un restaurant à la plage. Les
crevettes étaient très savoureuses, surtout car nous avions faim après avoir joué dans les
vagues. A l’époque, je trouvais que la vie passait d’une façon assez monotone.
Un jour, j’avais vu dans un journal une photo des parachutistes qui sautaient à Điện Biên Phủ,
je ne connaissais rien de la guerre des Français et des nationalistes vietnamiens contre les
communistes Việt Minh. Mon père me l’avait raconté plus tard. Après la défaite des
Japonais qui avaient occupé le Vietnam à la fin de la deuxième guerre mondiale, l’empereur
du Vietnam, Bảo Đại, avait nommé Mr. Trần Trọng Kim son Premier Ministre. Les
vietnamiens nationalistes assemblaient spontanément à l’Hôtel de Ville de Hanoi pour fêter
l’indépendance quand, soudainement, un petit groupe des communistes déployait un drapeau
communiste au balcon de l’édifice. Un gars de ce groupe brandissait un revolver et tirait … Il
haranguait la foule comme si c’était une révolution des communistes pour assumer le
gouvernement de Mr. Kim. Naturellement, les français revenaient pour réclamer sa colonie et
la guerre du Vietnam commençait entre les communistes qui usurpaient le gouvernement
contre les nationalistes qui combattaient avec les français.
Je me rappelais très bien cet après-midi-là à Hanoi en plein canicule, l’asphalte des rues
commençait à fondre, des camions à citerne d’eau arrosaient les rues poursuivies par des
enfants qui s’amusaient dans l’eau froide et calmante. J’étais en train de jouer aux billes avec mes
camarades sur le trottoir devant ma maison. Mon père m’appelait pour rentrer tout-de-suite. Je ne
comprenais pas pourquoi. Mon père m’avait dit que je devais rentrer pour préparer à partir
le lendemain pour Saigon au sud Vietnam. C’était un jour avant la signature de la Conférence de
Genève (20 Juillet 1954) pour la partition du Vietnam en deux pays différents, le Nord sous
les communistes et le Sud sous nationalistes, séparés par le fleuve Bến Hải au 17ème parallèle
au nord de Huế.
Mon père avait entendu des rumeurs et décidait de partir bien avant l’assaut des communistes
féroces qui tuaient tous les gens qui avaient travaillé avec les coloniaux français. Un cousin
du côté de ma mère était noyé par son fils adoptif sous l’ordre de Hồ Chí Minh parce qu’il
avait pardonné un membre du parti nationaliste Quốc Dân Đảng (Koomintang Vietnamien).
Il était le Chef de Police du Tonkin (Nord Vietnam) pour HCM! On parlait des exécutions
commises par les communistes punissant ceux qui avaient des liaisons avec des autorités
coloniaux français. On entendait également des anecdotes concernant le “Đấu tố” (la
dénonciation des riches propriétaires capitalistes), ces tribunaux primitifs des partisans
communistes condamnaient à mort sur place tous les capitalistes pour avoir profité de la sueur
du prolétariat. Mes grands frères et grandes sœurs étaient déjà partis à Saigon avec leurs époux. Je ne sais pas pourquoi mon père m’avait choisi pour aller seul avec lui à Saigon. Il avait laissé sa
femme, ma mère, pour conclure des affaires financières de la famille, avec mes petits frères et
sœurs. Je savais plus tard que, grâce à ses connections, il serait le Chef du Budget pour le
Ministre des Affaires Sociales du nouveau gouvernement du Premier Ministre Ngô Đình
Diệm.
Ce voyage était la première fois que je voyageais dans un avion. C’était un DC-3 de la
compagnie Cosara ; une hôtesse blonde m’avait donné du chewing gum à mâcher.
Jusqu’alors, je n’avais jamais vu ni connu ce bonbon. Mon père m’expliquait que c’était pour
atténuer la douleur des oreilles quand il y avait une chute de pression dans la cabine dû à
l’altitude.





Nguyễn Dương
Juillet 2021 (révisé par Valérie Perales)
Mes grandparents maternels